À l’entame de cette chronique, s’affichent des photos de la récolte effectuée dans le champ de manioc. Ce périmètre de près d’un demi hectare avait abrité une plantation d’acacia auriculiformis dont on sait la performance quant à l’apport en forte production de biomasse grâce aux petites branches et aux feuilles. C’est une technique d’enrichissement naturel et de reconstitution des terres érodées. C’est suite à la coupe de ces plants d’acacia, que nous y avons mis des boutures de manioc, voulant compenser les frais relatifs à l’alimentation des porcs. Maintenant, nous pouvons envisager soit une autre culture vivrière pour assurer la rotation nécessaire au maintien de la fertilité du sol, et ceci pour éviter l’épuisement de la monoculture, soit travailler à la recomposition du précédent écosystème. Notre choix est pour la dernière option. Il suffira de laisser repousser naturellement les graines des plants d’arbres déjà enfouis dans la terre. C’est une technique de reconstitution naturelle des espaces boisés bien connus des paysans. Ce qui est juste à éviter, ce sont des labours successifs du même périmètre après une première phase de déforestation. Nous n’avons donc pas besoin de procéder à l’achat de nouveaux plants mais veiller à l’élagage des jeunes pousses d’acacia qui pousseront au moment opportun.
La culture du manioc avait pour but de renforcer l’alimentation des porcs. Avec le prix des denrées alimentaires au cours des deniers mois, nous préférons transformer en farine (gari) les tubercules, pour l’alimentation des ouvriers journaliers. En effet, outre la rétribution de leur travail, le système traditionnel du milieu exige que l’on offre un repas plus ou moins consistant lorsque la prestation de travail dure plus que la demi-journée. Disposer nous-mêmes du produit fini ce serait donc un gain.
Nous saisissons l’occasion pour aborder une autre rubrique inspirée à partir des vues de femmes en pleine séance de la production du gari (cf. Photo et vidéos ci-dessous). Il s’agit du système ou du genre d’économie que nous souhaiterions instaurer. Nos activités ne visent pas uniquement la recherche du profit. Loin s’en faut. L’objectif va au-delà du gain et du bénéfice. Le rendement nécessaire sur l’investissement s’inscrit dans l’option d’une « économie de communion ». Ce concept élaboré par le mouvement des Focolari, il y a une trentaine d’années, a fait l’objet de nombreuses et riches études scientifiques. En peu de mots, ladite théorie valorise au plan èconomique la relation interpersonnelle du travail où s’exprime avant tout le don de soi pour le bonheur autrui. Ne compte plus uniquement la force du travail, ou bien le bénéfice qu’on en tire ; vient en premier lieu la réalisation de la personne humaine et celle des bénéficiaires. En effet, à la base de tout travail, il y a l’homme (laborem exercens, cf., le titre de la fameuse encyclique du Pape Jean-Paul II). Ce qui compte, c’est son accomplissement ainsi que le bien fourni à la communauté humaine. Il est donc nécessaire de dépasser l’horizon de la seule économie de marché (néolibéralisme), comme aussi celui du seul rapport de force employeur à employés (cf. la lutte des classes), où l’on réduit l’homme à sa force productive. Il vaut mieux percevoir les interactions que génère l’activité humaine en vue du bien commun. Cette dimension sociétale est la base et le cœur de notre action. Offrir du travail à ces personnes est bâtir une forme de socialisation qui ennoblit car le profit généré contribue au bien de tous. Notre présence et nos activités deviennent donc des lieux d’inclusion sociale et de communion. La production des biens de service n’est pas l’unique résultante du travail offert. Par-delà, se construit une communauté de personnes qui se fréquentent et partagent le vivre ensemble. Mieux, c’est une modalité d’extension du bien pour tous et de redistribution des richesses. C’est donc une forme de restauration de justice sociale qui ne s’arrête pas seulement aux femmes qui travaillent prises singulièrement. Il s’agit aussi d’un retour de plus-value reconnue à une localité dont on met en valeur les richesses pour générer de plus grandes ressources. Nous sommes donc dans un dynamisme d’une économie sociale et solidaire.
Le choix pour une économie de communion oblige à porter une attention aux familles défavorisées. Lors des fêtes pascales, notre action humanitaire s’est portée vers les noyaux familiaux vivants dans des situations limites. Ce sont des veuves ayant à charge des enfants, des familles où l’une des composantes souffre de dépression. Nous en avons identifié une quinzaine et leur avons offert le riz de notre ferme ainsi que d’huile végétale et de la viande. Elles ont pu ainsi fêter comme toutes les familles du monde. Veuillez noter la dignité dans la tenue de ces familles. À priori et souvent dans notre monde, on pourrait passer à côté de personnes vivant dans la misère sans s’en rendre compte.
J’ai aussi le plaisir de vous faire voir nos quatre arbres à pain venus des Îles Hawaï. Pour les habitués de notre chronique, ce sont les rescapés de la quarantaine plantée sur le périmètre d’un demi hectare, fruit d’une coopération avec la Faculté des Sciences Agronomiques du Bénin, représentée par le Prof. Ganglo. Leur apparence chétive peut induire à poser le problème de la qualité et de la résilience du sol par rapport à un plant transplanté hors de son domaine d’origine. Mais, il y a la possibilité de partir de ces rejetons pour générer d’autres plants, lesquels pourraient mieux s’adapter à notre environnement. Notre joie vient du fait que ces arbres portent enfin leurs premiers fruits, signe que nos efforts et surtout la patience n’ont pas été vains.
Le paysage qui suit est celui de la bananeraie qui reverdit. Il faut l’entretenir pour donner force à la croissance des jeunes pousses surtout en ce début de saison pluvieuse. Le nettoyage de cet espace servira aussi à reprendre notre champ de pastèques et de melons. Plaise au ciel que, cette fois-ci, la réussite soit au rendez-vous.
À côté de la bananeraie, s’étend peu à peu le gazon sur le site du centre spirituel. Grâce aux pluies, le champ vert deviendra peu à peu le panorama de tout cet espace réservé à la prière et au recueillement, pour une vraie laudato si’.
Dans l’une des chroniques précédentes, nous avions laissé entendre que nous étions prêts à tirer expériences de nos échecs pour avancer au large. La vidéo qui clôture cette chronique en est une illustration tangible en ce qui concerne les cailleteaux. La reprise de ce secteur d’élevage nous amènera à une évaluation de notre capacité à maitriser le système, puis du taux de rendement. Ne faut-il pas faire en la promotion en lieu et place d’une autre aviculture comme celle des poules de chair ou des pondeuses ? La question reste posée.